Mesdames et messieurs,
Je suis heureuse de vous retrouver ici dans le cadre du festival d’Avignon, à
l’espace Pasteur. Je salue à ce titre Emmanuel Ethis, président de l’Université
d’Avignon qui nous accueille dans ses murs ainsi qu’Olivier Py et les équipes
du festival puisque cette rencontre est organisée avec leur concours.
Il y a pratiquement un an, jour pour jour, j'ai fait mien, ici, à Avignon, le principe
de préparer, avec les artistes, les professionnels et toutes les forces du
ministère, un temps fort qui mettrait enfin en lumière une réalité artistique et
professionnelle qui est à la base de toute politique de démocratisation
culturelle, celle d'une offre régulière, diverse et de qualité, d'oeuvres
contemporaines ou de référence aux enfants et plus généralement aux jeunes,
partout dans notre pays.
Plus que jamais, c’est la devise de notre République que j’entends mettre en
avant comme fondement de cette Belle Saison que nous lançons véritablement
aujourd’hui. Car il s’agit bien et d’abord d’égalité d’accès de tous nos jeunes
concitoyens à cette offre. Fraternité, également, parce que la culture et l'art
rapprochent les gens. Elle crée des ponts, des passerelles, elle apprend à
découvrir l'autre et donc aussi à se découvrir soi-même. Bien sûr, la liberté
parce que la création, la culture, c'est la liberté et qu'il n'y a pas de plus beau
symbole de liberté qu'un artiste qui crée, qu'un collectif qui joue et qu'un public
qui communie avec eux, devant une scène ou des tréteaux.
C’est ce message, que nous devons porter pour les enfants et pour les jeunes ;
pour les aider à grandir, à se forger une identité, une future citoyenneté.
Que peut apporter de fondateur et d'irremplaçable à notre jeunesse l'expérience
du spectacle vivant et, plus largement, la rencontre avec les oeuvres ? Ce sera
l'ambition de La Belle saison avec l'enfance et la jeunesse que de fournir, tout
au long de son déroulement, des réponses concrètes à ces questions clé.

Avant d'aller plus loin dans ce qui m'apparaît comme remarquable, et à bien
des égards exceptionnel dans La Belle Saison, pour qu'il n'y ait pas de
malentendu sur l'opportunité de lancer une telle opération dans cette période
difficile et parfois incertaine, je voudrais rappeler que c'est un engagement très
fort, un engagement que j'ai pris dès mon arrivée au ministère de la Culture de
faire de l'éducation artistique et culturelle, des pratiques artistiques pour les
jeunes, la priorité de mon mandat, de ma fonction ; que cela doive irriguer
toutes les politiques du Ministère, qu'il n'y ait pas de secteurs où l'on
cloisonnerait l'expression artistique des plus jeunes, ou les oeuvres qui leur sont
destinées.
C'est aussi la confluence de volontés, de mouvements qui sont exprimés, qui
sont portés de longue date par des centaines, des milliers d'artistes et de
professionnels du spectacle vivant, qui aspirent aussi à ce que leur
engagement vis-à-vis des jeunes générations soit mieux reconnu et valorisé,
soit mieux considéré et encore plus partagé et donc diffusé.

J'ai donc décidé que le temps était venu, et particulièrement bienvenu, de
mettre en lumière toutes les richesses de la création et des projets pour les
enfants et pour la jeunesse ; d'encourager clairement tous les acteurs de l'art
vivant, à porter des propositions artistiques ambitieuses, inventives à
destination des nouvelles générations. Et ceci arrive à un très bon moment,
parce que le paysage a profondément évolué dans ce domaine.
La création elle-même, à destination des jeunes publics, a été trop souvent
sous-estimée, considérée finalement comme une niche, et les artistes qui s'y
prêtaient étaient parfois regardés avec un peu de condescendance par les
autres : comme de dire par exemple que les marionnettes, c'est pour les
enfants, ou bien, qu’il y a forcément des spectacles pour les enfants et des
spectacles pour les adultes, comme si les enfants ne pouvaient pas voir des
spectacles. Aujourd’hui cette création trouve un renouveau qualitatif, une vitalité
impressionnante dans ses écritures, bien sûr, dans ses incarnations scéniques,
et ce dans toutes les disciplines et tous les langages artistiques.
Et puis, il y a le réseau, le réseau institutionnel, les équipements qui sont
nombreux et étoffés : les scènes conventionnées, les scènes nationales, les
centres chorégraphiques, les centres dramatiques, les orchestres, les opéras ;
tous intègrent désormais l'adresse aux enfants, dans leurs programmations,
dans leurs logiques de production, et, là encore, quelle que soit la discipline.
Ce sont les professionnels, les artistes, les réseaux engagés dans la création
contemporaine, dans la diffusion en direction de la jeunesse, dont pour un
certain nombre, vous êtes les représentants, qui avez su vous organiser, vous
rassembler. D'abord sous l'impulsion de l'association Scène(s) d'Enfance et
d'Ailleurs, dont je salue l'infatigable présidente : Geneviève Lefaure, et puis
bien sûr, tous les autres associations et réseaux de l'action artistique, les
réseaux de l'éducation populaire aussi qui se sont fédérés en élargissant le
cercle qui a été initié par Scène(s) d'Enfance et d'Ailleurs.
Vos réflexions et propositions, l'esprit de responsabilité collective, de confiance,
qui ont caractérisé ce rassemblement, ont ainsi largement préparé et préfiguré
La Belle Saison, dont le temps s'ouvre aujourd'hui.
La manière dont s'est montée La Belle Saison n'était pas exempte de risques.
Vous avez ainsi lancé huit commissions nationales thématiques sur les grands
enjeux de l'offre artistique faite à la jeunesse. En même temps, il fallait
encourager des plateformes régionales, transversales ; en travaillant avec les
élus et les collectivités territoriales, en s'appuyant sur les réseaux et les
identités locales. Il fallait fédérer des professionnels de tous statuts et de
toutes disciplines pour proposer un programme de rendez-vous et de
manifestations artistiques, associer progressivement nos administrations
centrales et déconcentrées à un projet fondé sur le volontarisme et la
conviction. Il fallait orchestrer l'ensemble avec un appui professionnel hors pair.
Ces paris sont déjà gagnés. J'ai été impressionnée par l'adhésion très rapide
d'un nombre croissant d'acteurs d'une rare diversité, qui se sont assemblés
autour des objectifs partagés. Et vous en êtes les représentants ce soir.
La Belle Saison est ce fruit, du travail de tous et de chacun ; qui prouve que la
coopération, la confiance, la prise de risque, peuvent ouvrir grand de nouveaux
horizons. Il suffit pour s'en convaincre de découvrir la brochure "Avec l'enfance
et la jeunesse à Avignon".

Le voyage de 18 mois qui est proposé par La Belle Saison devait, en effet,
s'ouvrir cette année à Avignon. Évidemment, parce qu'Avignon est le lieu du
théâtre, le lieu des auteurs aussi, le lieu des comédiens, des metteurs en
scène, des danseurs et chorégraphes, le lieu du débat, cette part pionnière et
militante du festival et en même temps cette exigence de création, d'extrême
attention aussi pour tous les publics. Olivier Py, qui est engagé de longue date
dans la création à destination des jeunes publics, a tout de suite relevé le défi
et souhaité, 45 ans après Jean Vilar, s'engager et remettre l'enfance au coeur
du festival.
Après Avignon, les chantiers de La Belle Saison sont désormais fermement
tracés, nourris déjà par plusieurs centaines de propositions, construites par les
acteurs de terrain, accompagnés par les Drac, avec les collectivités territoriales,
jalonnées par une série de rendez-vous et d'événements de portée nationale.
La Belle Saison va d’abord distinguer les chemins de la création à travers des
écritures ou des formes dédiées. Puis elle va faire savoir ce que peut procurer,
avec intelligence, avec émotion, la rencontre avec les oeuvres.
Comment cela peut guider et permettre de transcender des parcours
d'éducation artistique et culturel, en leur donnant encore plus de sens,
d'épaisseur, en donnant des références aux enseignants, bien sûr, mais aussi
aux artistes et à tous les professionnels engagés auprès des enfants et des
jeunes. Avec La Belle Saison, ce sont les projets de territoire, les nouvelles
solidarités professionnelles au service des futures générations que nous allons
privilégier et promouvoir. Grâce à La Belle Saison, nous allons voyager pour
interroger la manière dont l'art vient aux enfants, au-delà de nos frontières et
aussi ouvrir pour les artistes et les professionnels de nouveaux espaces de
coopération, de production et de diffusion.
Enfin, le temps long de La Belle Saison, parce que c'est un temps long qui
s'ouvre là, va vous permettre d'installer des chantiers d'avenir pour lesquels
vous aurez l'appui continu de l'Etat. Il sera indispensable. Il est financier, bien
sûr. Et l'engagement financier du ministère de la Culture sera non seulement
maintenu en faveur de toutes les initiatives d'éducation artistique et culturelle,
mais aussi, augmenté. Je l'ai voulu depuis 2 ans et maintenant avec un budget
préservé pour les 3 années à venir, je vais le porter encore davantage.
Vous aurez besoin aussi, évidemment de l'appui et de l'accompagnement
professionnel, concernant la formation des artistes, la formation des
médiateurs, des futurs cadres et professionnels de la culture, afin de pouvoir
préparer les nouvelles générations de professionnels ou de créateurs à la
rencontre et au dialogue avec la jeunesse. On peut avoir l’envie du dialogue
avec les jeunes et les enfants de manière innée, spontanée.
Mais cela s'apprend aussi. Il y a des méthodes. Un artiste n'est d’ailleurs pas
forcément porté naturellement à faire ce partage vis-à-vis des jeunes
générations. On peut l'accompagner ou bien, travailler avec des médiateurs,
qui eux, servent de passeurs entre les artistes et les jeunes publics.
Tout cela, ce sont nos défis, nos chemins à construire aussi, parce qu’au terme
de cette Belle Saison, sur chacun des sujets qui viennent d'être évoqués, dont
vous avez fait d'ailleurs le sommaire de la manifestation, les choses auront
bougé. Nous aurons évolué, les regards et les appréciations auront changé sur
les oeuvres à destination des jeunes publics, sur les parcours artistiques.
Il n'y a pas d'artistes qui soient nécessairement cantonnés à faire des oeuvres
pour adultes. Et l'enrichissement que procure la création à destination des jeunes publics vient évidemment nourrir l'expérience de la création artistique
dans tous les domaines ainsi que de la création d'un artiste. Ce sera donc tout
ce processus de rencontres entre les artistes et les enfants, entre les jeunes et
l'art qui s'en trouvera ainsi affirmé et renforcé, affermi et étoffé.
Je ne me hasarderais pas, pour finir, à la liste des remerciements individuels ou
particuliers, parce que la liste serait trop longue. Je veux simplement vous dire
qu'avec vous, grâce à vous, je vais suivre, accompagner, faire vivre La Belle
Saison avec l'enfance et la jeunesse. Le ministère de la Culture n'en sera
jamais que le premier partenaire, parce que l'aventure que nous proposons n'a
de sens qu'avec vous. Elle n'a de sens que si elle est contributive et collective.
Elle n'a de sens que si elle est une citoyenneté partagée, un dialogue avec l'art
renouvelé. Un dialogue aussi, entre les générations, fécond et fertile, qui
permet autour de l'émotion artistique de réfléchir à tous les enjeux de notre
société, de se regarder avec davantage de fierté et d'offrir aux jeunes
générations et aux enfants d'où qu'ils viennent et habitent, quels que soit leurs
parcours et leurs origines, la chance de la liberté. Merci.